Hala Moughanie revient sur son écriture, ce lien puissant avec un pays, le Liban, ses personnages, ses paysages, son génie, ses contradictions, sur la violence de la guerre et la paix toujours, sans cesse rêvée, renouvelée, explosée, infatigable phénix qui renaît de ses cendres. Une écriture poétique, tendre et violente à la fois, avec une touche récurrente de drôlerie qui parfois vire, dérive vers l’absurde. Une écriture renouvelant le regard sur le Liban et sa littérature.
Lorsque les cerfs-volants se mettront à crier de Davina Ittoo, figure dans la sélection du Prix Ivoire 2022, comme son précédent roman Misère (éditions Atelier des nomades).
Le 14ème Prix Ivoire pour la Littérature Africaine d’Expression Francophone, sera décerné le samedi 26 novembre 2022, à Abidjan.
Roman intimiste, à la lisière de l’autobiographie, Kossi Efoui surprend avec cette magie ordinaire, dans laquelle il brosse le portrait de la mère qui a ses paroles terribles pour l’enfant menacé par une dictature féroce qu’il a dû fuir.
Propos recueillis par Annie FERRET
M. Gérard séduit les femmes. Pourtant, il ne sort déjà presque plus de chez lui quand le narrateur, son voisin, un enfant d’un quartier pauvre de Port-au-Prince, se découvre une fascination pour cette figure mystérieuse, au savoir-vivre exquis et au rare bon goût. Cet ancien professeur congédié d’une école pour jeunes filles l’initie à Baudelaire, Keats et Wagner.
Tout est énigmatique chez cet homme qui semble vivre dans le malheur. Qu’en est-il réellement de son mystère et de son charme ?
Ce puissant roman d’Ananda Devi nous raconte l’histoire d’une enfant, Chinti, que l’on rencontre dans cette posture de victime sacrificielle. L’intrigue se développe ensuite à partir d’un retour en arrière qui permet de retracer les événements ayant mené la fillette dans ce temple de Bénarès, attirée là par le désir obsessionnel d’un religieux.
Que faire pour aider Haïti ? L’urgence est bien là : la dépression tropicale approche, les répliques et leurs conséquences sont probables et le spectre d’une nouvelle crise humanitaire et sanitaire se précise, aggravant encore les crises politique et sécuritaire. Les Haïtiens ne nous demandent rien, trop occupés à s’entraider, à chercher les derniers survivants sous les décombres et à se préparer au pire, toujours possible. Allons-nous rester spectateurs, bouche ouverte zappette en main (ou avec un livre « absolument bouleversant » de Jacques Roumain ou Frankétienne sur la table de nuit) à les plaindre, de loin, en attente du prochain chef-d’oeuvre de papier ?
Antara est une jeune Malgache de 15 ans qui voit son père s’engager du côté des insurgés en 1947. Le rejet de la situation coloniale, l’aspiration à l’indépendance nourrissent les sentiments nationalistes qui s’expriment dans divers partis. La jeune fille est témoin du déclenchement de la révolte, le 29 mars, sur la côte est de Madagascar et dans son arrière-pays, ce qui provoque des massacres de colons, le pillage de compagnies étrangères et d’églises. La répression par l’armée française est implacable et environ quatre-vingt-dix mille Malgaches périront dans les combats ou de faim, de froid, de maladies dans la forêt où ils se sont réfugiés.
L’insurrection s’éteint en décembre 1948. Le roman documentaire revient sur cette page tragique de la fin de l’ère coloniale française.
Précis et documenté, le roman de Christophe Migeon nous montre la distance parcourue, les ruptures ou les continuités des rapports de dominations et des échanges inégaux. Au plus près de l’astronome, Guillaume Joseph Hyacinthe Jean-Baptiste Le Gentil de la Galaisière nous verrons les travers de la nature humaine, laquelle, même celle des plus éduqués, pâtit, moins encadrée, loin des centres de civilisation. Nous comprendrons aussi les forces et les faiblesses qu’on peut ressentir face à l’adversité. Et que, somme toute, une mauvaise étoile peut former un destin hors du commun et construire son homme.
En refermant le livre, les mots se bousculent parce que la lecture du Doigt de Dalie Farah publié dernièrement chez Grasset, appelle un écho, une réaction. Avec ce geste, la narratrice se dresse et ne s’arrêtera plus de parler, ni n’acceptera plus de baisser les yeux désormais. Pour mettre « fin à la peur ». Elle entraîne le lecteur dans un récit qui va montrer comment le refus instinctif de courber une fois de plus l’échine a bouleversé le cours de son existence. Sa vie, elle la déconstruit alors, et sa narration se débarrasse de la trame chronologique pour évoluer en cercles concentriques plus ou moins proches, plus ou moins éloignés, des origines de la violence.
Dans son bouleversant dernier roman, Dalie Farah explore la violence d’un monstre froid nommé Éducation nationale. Une institution qu’elle sert pourtant au quotidien avec le désespérant désir de sauver de l’échec scolaire des êtres qui parfois la violentent. Aucune haine ne transparaît dans cette écriture sincère, sans rancune, sans concessions, sans volonté de revanche.
Rencontre.
Jean d’Amérique, poète prodige, donne naissance à une fable furie, cruelle, sexuelle, désarmante par sa violence, sa lucidité et le grandiose de son verbe. Tête Fêlée et Silence, fleurs grandies trop vite, aux épines impitoyables, observent le monde s’écrouler, mains serrées, regards fixés sur un avenir qui recule. Un premier roman magistral, hommage déchirant et cri d’alarme pour ces lointaines vies emportées par les tourbillons de l’injustice, ces lointaines vies oubliées.
Pour Adania Shibli, la littérature est dans la marge, dans les silences et l’attention qu’ils permettent de porter sur des détails. Pour l’auteure c’est ce qui définit l’acte littéraire, ce qui en fait une source de dignité, de liberté. Ce sont les détails que l’on prend le temps de regarder à l’arrêt devant le checkpoint. C’est cette capacité à sortir de l’oppression par la sensibilité et le mouvement créatif.
En lice pour le prix des Cinq Continents 2020, Un monstre est là, derrière la porte de Gaëlle Bélem est un roman tranchant, le récit d’un enfant, une jeune fille un peu teigne, qui examine les gaucheries, les renoncements, les ratages du monde des adultes. Nous sommes à La Réunion, dans une famille cafre. Un roman naturaliste qui cherche à échapper aux clichés habituels et qui explore le destin d’une famille : les Dessaintes.
Entretien avec Franck Bouysse qui publie chez Albin Michel, Buveurs de vent, un roman qui met en exergue une fratrie dont la famille est à plusieurs reprises menacée d’imploser. Mais c’est sans compter sur les initiatives de celui qui est présenté comme le simplet. Un très beau roman de la rentrée littéraire 2020.