Entre le marteau et l’enclume*, roman d’Amir Ali : le combat de Faïna

PAR DAROUÈCHE HILALI BACAR

Dans la littérature mahoraise, il n’est pas rare de trouver des textes qui ne sont romanesques ou poétiques que de nom[1]. Leurs auteurs sont convaincus de faire de la littérature parce qu’ils alignent des phrases, assemblent des paragraphes, imaginent des métaphores. En réalité ils racontent des histoires banales, des histoires sans intrigue, sans trame, sans enjeu littéraire. Et c’est bien dommage !

Amir ALI, auteur de Entre le marteau et l’enclume, son premier roman. DR

Sociologue de formation (licencié à l’Université de Toulouse Mirail en 1995), Amir Ali rentre à Mayotte en 1998 où il travaille d’abord à la direction territoriale des affaires culturelles (DTAC), puis devient journaliste de presse écrite chez Kwézi (1998-2000) avant d’intégrer l’Institut de formation des maîtres (IFM) à Dembéni. En 2002, il devient professeur des écoles dans le sud de l’île.

Amir Ali n’est pas de ceux-là.Son récent ouvrage, Entre le marteau et l’enclume (éd. St-Honoré, 2019), est bien une fiction romanesque qui relate le calvaire de Faïna, « une jeune fille de 17 ans qui vit à Tayome, une île perdue dans l’océan Indien » comme l’annonce la quatrième de couverture. L’auteur veut dénoncer les violences familiales, plus précisément l’abus de pouvoir de leurs parents dont sont victimes les jeunes filles Mahoraises à travers le récit des fugues répétées de Faïna. Le texte s’ouvre sur la fuite du personnage principal et pose ainsi le cadre narratif : « Et Faïna s’enfuit ! Où ? Elle ne le sait pas. Mais son seul désir est de partir loin, très loin, le plus loin possible ! Là où personne ne pourra la joindre. Elle n’est pas faite pour ce monde. […] La gifle que Nétoiche lui a administrée, a été si violente qu’elle s’est retrouvée, en laps de temps, propulsée de la table de séjour aux escaliers de sortie. » (p.9) S’ensuivent alors des scènes de course-poursuites, qui nous plongent dans un univers romanesque haletant. À certains moments, on n’est face à des scènes dignes d’un film d’actions : « Attention ! Une autre automobiliste en vue ! Elle arrive à vive allure à tel point que Faïna n’a pas le temps de se dissimuler. […] Et elle a juste le temps de voir deux grands gaillards qui descendent de la voiture à une vitesse de l’éclair en direction de sa personne. ‘‘Attrapons cette garce !’’ C’est Nétoiche ! Elle reconnaîtrait sa voix entre mille. » (p.94-95). L’effet cinématographique est accentué dans les instants décisifs. Le lecteur ne peut s’empêcher de prendre le parti de Faïna et d’espérer de toutes ses forces qu’elle échappe à son despotique de beau-père ainsi qu’à ses acolytes, ces jeunes gangsters qui sévissent dans le quartier de Soweto une fois la nuit tombée (p.96-113). L’engagement du lecteur se renforce à la lecture des dernières pages. Dans le combat qui oppose Faïna à son beau-père, elle a enfin l’occasion de se venger de son bourreau : « La scène est invraisemblable ! Ubuesque ! Celui qui était à deux doigts de la liquider lui demande de l’aide ! Et quelle aide ! Lui sauver la vie ! » (p.182). D’où le titre du roman : « Entre le marteau et l’enclume ».

Les quelques défauts esthétiques de ce texte, les nombreuses et fâcheuses digressions sur les aspects anthropologiques, sociologiques, politiques et économiques de la société mahoraise, l’emploi maladroit des différents registres de la langue française et le manque de profondeur de certains personnages, en particulier celui de Nétoiche – nom dérivé de shetoini en shimaore, Satan en français –, ne permettent pas de soutenir le caractère  surréaliste de l’histoire et pourtant l’écriture romanesque d’Amir Ali s’est affirmée et raffermie. Il est l’auteur d’un premier ouvrage co-écrit avec Shoumane Zoubert, Dialogue de sourds (éd. Jets d’Encre, 2019), un texte à mi-chemin entre l’essai et la micro-fiction. Leur propos était de s’attaquer à l’individualisme qui gangrène la société mahoraise jadis réputée pour les valeurs communautaires qu’elle incarnait : l’altruisme à travers les liens familiaux (udjama), fraternels (unagna) ou sociaux (musada).

Sociologue de formation (licencié à l’Université de Toulouse Mirail en 1995), Amir Ali rentre à Mayotte en 1998 où il travaille d’abord à la direction territoriale des affaires culturelles (DTAC), puis devient journaliste de presse écrite chez Kwézi (1998-2000) avant d’intégrer l’Institut de formation des maîtres (IFM) à Dembéni. En 2002, il devient professeur des écoles dans le sud de l’île. Depuis la rentrée scolaire 2019, il est directeur de l’école élémentaire de Bouéni.

En dépit de ces quelques réserves, il faudra quand même lire le roman pour connaître l’issue de la lutte acharnée de Faïna.


[1] Force est de constater que beaucoup d’ouvrages (romans, poésie, pièces de théâtre ou essais) sont malheureusement publiés en auto-édition. Et par conséquent, ils ne bénéficient pas d’une relecture rigoureuse et d’un accompagnement éditorial digne de ce nom.

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