PAR NASSUF DJAILANI

Zaho zay est l’histoire d’une quête. Celle du père qui traverse tout le film. Ce conte-documentaire s’ouvre sur un plan large de la devanture d’une maison bourgeoise avec une femme assise sur le côté regardant l’horizon. Elle est de profil avec une jambe affalée de tout son long sous la varangue, tandis que l’autre est posée sur les marches. Elle a les yeux tournés vers l’horizon. Avec un chapeau de raphia sur la tête. Elle est dans une situation d’attente. On croit reconnaître la mélodie d’une comptine d’une chanson populaire malgache. En contrechamp, on nous offre ces paysages désolés d’un jardin qui a dû subir les rigueurs du temps, on croit apercevoir ici ou là des fumerolles. Une sécheresse a dû frapper l’endroit, les feuilles sont sèches, les quelques constructions tombant en ruine. L’impression d’un temps figé. Une narratrice raconte l’absence.
On devine des enfants qui jouent, avec des mots d’enfants qui disent l’insouciance, quand surgit le plan d’un homme de profil jouant aux dés. On pense tous au mpisikidy, nous sommes en pays malagasy. L’homme est torse nu avec un lamba marron sur les épaules. Un chapeau de paille sur la tête, pantacourt gris. Il semble imperturbable. Il est concentré sur ces dés, comme n’ayant que faire du public. Il ne parle pas. Le muet est une des esthétiques du film. C’est une voix off qui raconte la quête.
On devine que cet homme sans parole, c’est le père. Visage fermé, l’homme est très intérieur, voir mélancolique, absent. Il a le corps sec, laissant voir néanmoins une musculature entretenue, avec des mains fermes qui ont dû beaucoup travailler. Des mains fermes, mais qui sont aussi douées de tendresse, on le voit lors d’une scène dans un paysage désertique, quand l’homme s’empare d’un criquet pour esquisser un jeu.
Le paysage est l’autre grand personnage du film. Une forme d’errance dans un paysage désolé, travaillé par l’érosion, où l’on croit deviner parfois des tourbières, ou encore des roches caverneuses avec des points d’eau où l’homme vient s’abreuver, s’y baigner. L’occasion de beaux cadres lunaires. Ce film ne fait pas l’éloge de l’urbain, au contraire, nous sommes dans les grands espaces, où la faune et la flore malgaches occupent le premier plan. Avec des scènes très belles dans les champs de canne où se déroule l’une des scènes clés du film. Une beauté picturale malgré la réalité très dure qu’elle montre. Le langage du vent et des insectes vient ajouter à la désolation de l’instant. L’absence est si bruyante, grouillante.

Un point de bascule intervient quand des voix égrènent le titre du film : Zaho zay ! Une grappe d’ouvriers répondant à l’appel lancé par un groupe de militaire à l’entrée d’un baraquement. On croit deviner un camp, mais il s’agit d’une cour de prison. La narratrice y est une matrone. Elle espère retrouver ici les traces de ce père absent. On apprend que c’est un criminel doublé d’un fugitif. Quel meilleur endroit qu’une prison pour en retrouver les traces ?
Qui est-il ? Le jeu de dés qu’il affectionne semble donner une petite indication. Il aime se jouer de ses multiples identités. Une énigme en somme. D’elle, la narratrice, la fille on ne voit le visage qu’à la trentième minute, une jeune femme mélancolique malgré son visage rond, ses pommettes bien marquées, sa bouche qui doit être pleine de questions pour l’absent.
Les personnages ne sont pas très bavards dans ce film, mais c’est le paysage qui prend la parole. Il faut noter le soin accordé par les réalisateurs au son, malgré le motif du muet pour raconter cette histoire. Les cadres aussi des plans qui articulent le film sont magnifiques, jusqu’à cette scène du père dans la voiture jaune figée dans le temps qui marque le point d’orgue du film. Ces scènes de son errance dans les hauteurs brumeuses d’une région désertique. La rencontre un peu surréaliste avec un enfant qui vient le recueillir. C’est le motif du rêve aussi qui fait le charme de ce film. Une sorte d’éloge de la lenteur qui ne ralentit pas du tout l’évolution de l’intrigue. On est pris dans un voyage émaillé de chansons du répertoire malgache qui nous plongent dans un univers magique. Zaho zay dont la voix off a été écrite par le poète et romancier Raharimanana est une belle ode au silence, et à la nécessité de l’interroger pour que les âmes s’apaisent. Celle de la fille du disparu s’apaise-t-elle à un moment donné ? C’est le pari de ce beau film de Maéva Ranaïvojaona et Georg Tiller, en compétition au festival international du cinéma de Marseille cet été, du 22 au 26 juillet 2020.
Toute ma famille à Madagascar, j’y arrive à l’âge de 6 mois, en 1947. Mon père est alors juge à Ambositra, je saute sur les genoux de prisonniers.
En 1997, à ma retraite, je viens à Fianarantsoa, je fais partie des »Enfants du Soleil ». Mais je suis l’adjoint du Père BOLTZ des jésuites, avec qui nous avons créé VOZAMA.
A Ambositra je participe à Fa.Za.So.Ma. et en dépose les statuts au tribunal. Le procureur m’accompagne à la prison … la réalité me fait chavirer et créer un quartier des mineurs pour 10 jeunes. Demandez voir à Madame EVA à l’hôtel du Soleil.
Passionné par les jeunes et par Madagascar qui est ma seconde patrie (collège St Michel, des jésuites à Tana), je désire me procurer le film »ZAHO ZAY ». Pouvez-vous me le procurer ?
Merci
Jean-Luc LALLEMAND
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