Rencontre.

« Ce projet KAARO est très important pour moi, car avec tout le travail du collectage de nos danses, ça permet aux jeunes mahorais d’avoir des grilles de lecture des danses mahoraises au contact des autres. Pour moi, la danse doit permettre de s’éveiller à cette culture. Sans s’enfermer dans le folklore. Cela dit, toutes ces danses d’origine bantu pour la plupart, comme le chakacha, ou encore le Biyaya enrichissent la danse contemporaine. des danses qui se dansent en cercle, moi je l’ai déployé dans l’espace. Par les danses on voit que l’esclavage a existé chez nous. Ce sont des danses à trois temps, sur des rythmes ternaires qui peuvent parfois basculer en binaire par rapport aux frappes au sol (je pense au chakacha par exemple : une danse de frappe au sol avec des onomatopées pour intimider l’ennemi. Ce sont des danses d’attaque). Dans ce projet, nous l’avons artistique, avec des sauts, des chutes, on l’a rendu encore plus intéressante, avec de l’extrapolation. On voit jusqu’où ces danses pouvaient aller, elle est devenue très kinesthésique. Les danses mahoraises sont des danses très passives, et on les a rendu très physique. Je pense par exemple au Mbadziyo, une danse très lente comme dans le débah, le Moulidi, le Shengué) une danse très noble, une danse de port de tête, d’inclinaison de tête, très flottante, qui donne une sensation de flottement. Un mouvement emmène un autre. Une danse qui part de l’intérieur de nous avant de se déployer. En même temps, je ne voulais pas que la pièce donne quelque chose de trop lourd, je voulais une pièce joyeuse. On a fait une synthèse de toutes les danses. En 50 minutes, on ne pouvait pas revisiter tout le répertoire. J’ai une formation en danse contemporaine, et c’est durant mon apprentissage et recherche aux Etats-unis que j’ai pris conscience de ma quête identitaire. Le retour à Mayotte a permis de déformer de ma formation en danse contemporaine et d’enrichir mes recherches dans la façon de mouvoir le corps. On a une grande culture liée à l’esclavage, au brassage des peuples (swahili, bantu, chirazienne, ou encore avec le Yemen), ça se traduit aussi dans la langue. Le langage des corps permet aux mahorais de se reconnaître, de se comprendre, lors des danses collectives. Quand on accueille les gens, on les reçoit en chanson, en danse. C’est une richesse que l’on apporte aussi la République. On est issue d’une culture animiste, populaire, religieuse qui est très riche. C’est important de montrer cette richesse par le biais de la création contemporaine. Ce que je recherche c’est que les gens connaissent mieux Mayotte, il y a tellement de mélanges. Et le fait d’avoir eu une formation en danse contemporaine, ça m’a permis de décortiquer, ce me permet de créer une continuité, pour transmettre, et pour ce faire, il faut créer une pédagogie. Parce que nos danses doivent être développées dans des centres chorégraphiques, pour les protéger, les faire vivre, les faire évoluer aussi. Sinon, nous sommes foutus, il faut des lieux dignes de ce nom, des lieux de recherches pour que les Mahorais se réapproprient leur culture ».
Propos recueillis par Nassuf DJAILANI
Danse – Mayotte / France
Conception / Mise en scène / Chorégraphie Maud Marquet et Jeff Ridjali
Technique / Lumières Laura Robinet
Scénographie / Costumes Annabelle Locks
Musique Marine Bailleul
Avec Maud Marquet, Jeff Ridjali, Damien Guillemin,
Compagnie En Lacets et Compagnie Jeff Ridjali
Coproduction Laboratoire Chorégraphique de Reims
Soutiens Ministère de l’Outre Mer et le Ministère de la Culture et de la Communication, DRAC Alsace Champagne Ardenne Lorraine, DAC Mayotte, la Région Grand Est, Conseil départemental de la Marne et la Ville de Reims
Résidences Bergerie de Soffin, Nouveau Relax de Chaumont, Manufacture d’Aurillac, Resi(danse de Mayotte, L’Echangeur CDC – Hauts de France
Durée : 50 minutes
Tarif : 17 € / 12 €