La scène est dépouillée, juste un tapis noir au sol, un banc posé sur le côté. Un comédien, seul en scène interprète un type qui vient de commettre un meurtre et qui, surprise, veut se dénoncer à la police.
Nous sommes dans une boîte de nuit, une jolie fille se fait aborder. Éclate une bagarre, et gars est planté… Une histoire presque banale, sauf qu’ici le personnage, un Noir de 19 ans décide de se rendre. « Il se retrouve en cellule avec dénommé Munford, un abandonné des lieux et Hattie, un transsexuel manipulateur. Le vieux taulard l’exhorte à ne pas se vendre au blanc qui le fera sortir non sans contrepartie, à purger sa peine pour être autrement libre, autrement digne. »
Rencontre avec Abdon Fortuné Koumbha :
Est-ce que vous pourrez nous parler de la naissance de ce projet ?
Abdon Fortuné Koumbha :
C’est né d’une histoire d’amitié entre le metteur en scène Hassane Kouyaté et moi-même. C’est d’abord une rencontre humaine, qui a débouché sur une rencontre artistique. Nous avions tous les deux un grand désir de monter un spectacle Acteur-conteur. Et pendant 5 ans, nous avons cherché un texte fort qui raconte l’humain. Un texte avec un propos fort. Et puis un jour, une amie nous a parlé parlé de ce livre de Ernest J. Gaines et ça nous a semblé évident, que c’était ce texte là qu’il nous fallait.
Qu’est-ce qui a fait que ça a été évident pour vous deux ?
Ce texte part d’une histoire banale, nous sommes dans une boîte de nuit, une banale scène de bagarre, suite à une agression raciste. Et nous nous sommes rendus compte que l’actualité nous a rattrapé, les tueries racistes aux Etats-Unis, les policiers blancs qui tuent des Noirs pour un Oui ou pour un Non. Et ce qui est fort et paradoxale dans ce texte, c’est ce que nous font ressentir les personnages, l’un des protagonistes confie qu’il est presque mieux protégé, plus en sécurité en prison que dehors, du coup il continue de tuer pour y retourner au trou.
Ce que soulève ce texte concerne l’humanité toute entière, le racisme est sous-jacent, même parmi les Noirs le racisme est parfois encore plus féroce. C’est le rapport de l’homme parmi ses semblables.
Le texte de Ernest J. Gaines est un texte très dur, d’une grande crudité, sans prendre de détours pour parler du racisme, de la haine, comment l’avez-vous reçu comme lecteur ?
Je suis comédien, j’incarne un rôle, un personnage, je ne fais qu’interpréter ces mots de l’auteur, en totale fidélité à l’auteur.
Un mot sur le roman, et son adaptation, est-ce que vous jouez l’intégralité du texte ?
Non, il a fallut faire des coupes, sans trahir l’auteur. Le metteur en scène a adapté le texte pour que ça tienne sur une heure. Tout en ayant en tête l’idée d’un spectacle acteur /conteur.
C’est difficile d’être un seul en scène pour un texte aussi dense ? Deux des trois spectacles que présente Hassane Kouyaté dans le OFF du festival d’Avignon sont d’ailleurs des seuls en scène.
C’est un exercice difficile, mais qui est plaisant, ça demande beaucoup de concentration, mais l’avantage c’est qu’on ne conte que sur soi, on se livre, on est dans une fragilité, mais c’est ça qui est plaisant, de prendre des risques.
Un mot sur la musique…
La musique de Dez Mona (rock allemand, un choix d’Hassane Kouyate), donne une respiration, c’est comme la vie, on a besoin de respirer, de dormir , pour mieux entendre un propos fort, celui de Ernest Gaines.
Propos recueillis par Nassuf DJAILANI