Rencontre avec Soumette Ahmed, poète dans Les dits du bout de l’île

« Les débuts sont toujours des moments de rodage du spectacle. Car c’est un travail toujours en cours. Après il y a aussi la pression du tractage, car ayant vécu plusieurs fois le festival, je sais d’expérience qu’il ne faut jamais cesser de tracter. Je le fais partout et tout le temps, dans la rue, dans l’ascenseur récemment, j’ai filé des tracts à des gens croisés en prenant le temps de l’échange, trouver le message pour convaincre, car il faut plaire. Professionnel jusqu’au bout, Soumette Ahmed est un comédien énergique. Il est égal à la scène comme à la ville, bonhomme, gaie, riant aux éclats, capable de moments de silences méditatives. Il circule à vélo grâce à la force de ses grandes jambes.

A la scène dans le beau théâtre de la chapelle du verbe incarné (Rue des Lices), on le retrouve au début du spectacle avec sa valise. Il incarne le rôle du poète qui revient. Le poète qui revient dans « ce pays-non pays de mes songes » pour retrouver les siens. Sur place, il a cette impression « d’étrangeté », comme si les gens voulaient lui cacher leur état, leur mal être, ce qu’ils sont devenus, après tant d’années d’absence. « Le festival d’Avignon est toujours très sportif, très intense, tant sur le plan physique que mental, car en plus de la distribution des tracts, il y a un gros travail de mémorisation du texte qui n’est pas facile. Nous avons à faire à un texte difficile, mais qui m’intéresse parce qu’il me parle de ma réalité. Ce texte qui à l’origine n’est pas un texte pour le théâtre mais avec lequel le metteur en scène a fait un travail de dramaturgie, exige beaucoup de nous. Après les tractages toute la journée, on fait des italiennes, ensuite nous avons 5 minutes d’échauffement avant d’entrer en scène. Il y a aussi un gros travail d’écoute. Heureusement, il y a une grande complicité entre nous, nous nous connaissons bien. »

Soumette Ahmed n’est pas seul en scène, il y a d’abord l’excellent joueur de dzendze Mwégné Mmadi, originaire de l’île de Mohéli, qui propose un bel accompagnement aux comédiens. Il propose tantôt des ballades, tantôt des sonorités plus envoûtantes, qui font écho aux rythmes variés de l’archipel des Comores. Il a parfois des accès de colères contre le personnage de Alexandre Hazali Nassime, qui incarne le rôle du frère jumeaux du poète. Celui qui contrarie le musicien, qui symbolise le rôle du sage. Ce personnage diseur de vérité, sans prendre des détours. On apprend qu’il a choisi de faire sa vie sur place très tôt, car c’est la seule façon pour lui d’être heureux, contrairement à son frère qui erre. Un comédien qui propose un jeu tout en justesse, avec des acrobaties qui donnent du rythme au spectacle, à la fois calme pour entendre le texte, parfois accéléré quand le jeu s’emballe et que la tension est forte. La mère du poète, interprétée par Dalfine Ahamadi a un jeu très juste, elle est bouleversante dans ce rôle mais aussi dans le rôle de la fille qui se fait appeler Marie.

Il y a également un décor très bien pensé, un banc, un tabouret, un tapis au motif rouge latérite, un cadre qui fait penser à une porte-fenêtre par lequel d’ailleurs, les comédiens rentrent et sortent, un décor mobile tout en légèreté, subtilité.

Est-ce que vous avez un rôle difficile, plus difficile que les autres comédiens ?

« Non, il n’y a pas de rôle plus difficile que d’autre. Je joue le rôle du poète, et c’est un rôle que j’ai appris à aimer, même si je dois beaucoup me donner, trouver un équilibre avec les autres comédiens. Après la question, c’est comment servir ce texte. Il se trouve que je connais un peu les textes de l’auteur, et je suis tombé amoureux d’une langue. Même si c’est vrai ce texte est complexe, avec des mots que j’ai dû mal à dire. Je me suis toujours demandé pourquoi il n’utilise pas des mots simples, mais finalement ça marche bien. Mon dernier spectacle, c’était également un texte d’un poète, Tarkos. »

 

Et comment se passe la relation entre vous comédiens ?

On est dans un rapport de grande confiance, s’il n’y avait pas cela, je ne crois pas qu’on aurait pu aller au bout de ce projet. On défend quelque chose de commun. Il y a un lien d’amitié, on se supporte et on se porte. On s’est engueulé parfois, mais c’est comme cela qu’on avance, en sachant ce qui va et ce qui ne va pas. Il faut que chacun prenne soin de l’autre, avec une bonne hygiène de vie et partager les tâches. Un mois de festival avec plus de 20 dates, c’est beaucoup, donc il faut tenir le rythme.

La rédaction

Les dits du bout de l’île », c’est tous les soirs à 19h45 au théâtre de la Chapelle du Verbe Incarné (21 G, rue des Lices) –  Réservation au 04 90 14 07 49

http://www.verbeincarne.fr

 

 

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