Patiemment l’oeuvre de Mia Couto fait sa place en Europe

En France, Mia Couto est publié par les éditions Chandeigne, Albin Michel mais surtout par les éditions Métailié. Rencontre avec Pierre Léglise-Costa, directeur de la collection Bibliothèque portugaise aux éditions Métailié, qui revient pour Project-îles sur l’œuvre de l’un des plus prestigieux écrivain inscrit à son catalogue. Pierre Léglise-Costa est aussi historien de l’art et linguiste, professeur, commissaire d’expositions, critique et traducteur. Il est spécialiste des pays de langue portugaise.

accordeur de silences

couto

PROJECT-ILES : D’abord comment s’est opérée votre rencontre avec l’œuvre de Mia Couto ?

Pierre Léglise-Costa : Cela fait très longtemps que je connais et suis son travail. Le premier livre de lui que j’ai lu a été je crois Terra Sonâmbula (Terre somnambule) en 1992. Depuis au moins une dizaine d’années que je souhaitais (avec Anne Marie Métailié, naturellement) pouvoir éditer dans notre collection « Bibliothèque portugaise » des romans de Mia Couto. Le premier a été Jesusalem, en français  L’accordeur de silences en 2011)

PROJECT-ILES : Comment décide-t-on quand on est éditeur en France de donner à lire un écrivain d’une région complètement absent des radars des lecteurs Français lambda ?

poisons de dieu, remedes du diable

Pierre Léglise-Costa : Un bon éditeur est celui qui découvre et surtout fait découvrir des auteurs et une littérature qu’il aime ou admire ou/et connaît bien. Dans le cas de Mia Couto, ces premiers romans traduits en français avaient déjà connu de bonnes critiques dans la presse et c’était plus facile, disons. Fin août, début septembre, dans ma collection chez Métailié, on publie le premier roman d’un écrivain angolais totalement inconnu en France. Il est un grand écrivain pour la jeunesse et dans ce cadre d’ailleurs couvert de prix au Portugal, Brésil et évidemment en Afrique. Os Transparentes (Les Transparents) est son premier grand roman « pour grandes personnes » en quelque sorte. Évidemment, le travail auprès de la presse, des libraires, des bibliothécaires et toujours plus difficile, le nom Angola est connu de tous mais de là à l’associer à un grand écrivain c’est une autre chose. Dans notre cas, le fait que nous publions depuis 2006 (Le marchand de passés) l’œuvre de José Eduardo Agualusa (remarquable écrivain également angolais) la logique est plus naturelle.

PROJECT-ILES : Il y a une part de militantisme dans votre démarche ? Faire traduire un écrivain lusophone, parlant et écrivant un portugais du Mozambique, avec des histoires racontées dans une langue nouvelle et surprenante, poétique qui donnent à voir de l’intérieur comment reprend vie un pays ravagé par des décennies de guerre d’indépendance ?

Pierre Léglise-Costa : La traduction est forcément complexe, car Mia Couto invente parfois ses mots, son imaginaire est mozambicain, il faut bien travailler la traduction de façon d’une part à transmettre la musique, le rythme, l’imaginaire de ses textes et aussi d’oser quelques inventions de langage qui correspondent aux siens. Mais Mia Couto comme tout grand écrivain part d’abord de sa réalité et de son environnement et par la force de sa littérature et de son pouvoir d’évocation peut toucher bien au-delà de l’Afrique de l’hémisphère sud. Quant au « militantisme » que vous évoquez, pourquoi pas, je revendique en tout cas la volonté de faire connaître des œuvres en dehors des circuits pré-établis par telle ou telle presse ou les habitudes de « confort » intellectuel.

PROJECT-ILES : Comment l’œuvre de Mia Couto est-elle perçue en France, en terme de vente par exemple ? Ses œuvres traduites en Français sont-elles plus lues en France que dans le reste des pays francophones ?

Pierre Léglise-Costa : Quand je vais à Bruxelles et que je vais toujours dans les bonnes librairies de la ville, les œuvres de Mia Couto sont bien mises en valeur. Le Temps, le grand quotidien suisse de Genève, rend souvent compte de nos publications et admire cet auteur. Après il faudrait faire une étude plus approfondie.

PROJECT-ILES : Mia Couto n’a pour l’instant pas été primé par aucun Prix en France, alors même que son œuvre est largement au-dessus de pleins d’auteurs primés en France, est-ce que vous faites le pari des Prix types Médicis, ou même Wepler pour donner à son œuvre, belle, puissante, une visibilité encore plus grande ?

Pierre Léglise-Costa : Mia Couto a eu beaucoup de prix dans le monde lusophone. En 2007, il a eu le Prix de l’Union Latine des Littératures (comprenant les pays de langues latines). En 2014, il a eu le Neustadt International Prize for Literature (une sorte de consécration américaine) et – et c’est important- en 2013 le Prix Camões, qui est le prix donné par tout le monde de la littérature et aussi de la culture de tous les pays lusophones dans le monde. Nous attendons un prix en France, évidemment. Les prix littéraires en France sont souvent difficiles à obtenir pour des auteurs étrangers. Je n’entre pas ici dans des considérations sur l’attribution des prix. Disons que nous attendons le Nobel…

Propos recueillis par Nassuf Djailani

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