La 2ème édition du salon du livre de Saint-Pierre a été l’occasion pour les trois romancières mauriciennes de répondre aux questions des lecteurs venus en masse les rencontrer.
Parmi les questions qui revenaient souvent, celle de la propension des œuvres des auteures invitées à donner à lire autre chose que l’image carte postale vantant la beauté de l’île. Et la première à répondre c’est Shénaz Patel dont l’ensemble de l’œuvre est publié aux éditions de l’Olivier. Sur ce qui a motivé l’écriture de l’un de ses plus célèbre roman, elle répond par une question qu’elle s’est posée au tout début de l’écriture :
« Quelle réaction avoir, que faire dans une situation où on vous apprend un matin que vous n’avez plus le droit de rentrer chez vous, que toute votre vie que vous avez bâtis à tel endroit n’est plus possible ? Comment réagir face à un tel bouleversement ? », une question de fond qui a déclenché le point de départ du Silence des Chagos. Avec ce livre, « je voulais mettre l’histoire en mot pour la partager, une histoire géopolitique complexe qui est la déportation des chagosiens », sans chercher « à me poser comme porte parole de tel ou tel », confie encore Shenaz Patel face à ses lecteurs venus en masse.
« A chaque livre, j’apprends à la fin ce que je cherchais, c’est l’un de mes grands bonheur d’écrivaine » Nathacha Appanah
A un lecteur qui lui demande ce qui motive son écriture, Nathacha Appanah confie : « A chaque roman j’essaie de répondre à une question très personnelle. Avec Les rochers du poudre d’or, je voulais parler de l’arrivée des engagés à Maurice, comme s’il fallait que je sois en paix avec les questions liées à cette histoire (celle de l’arrivée de 5 indiens à Maurice dans le roman), compte tenu de mes origines indiennes, avant d’écrire sur autre chose ». Le dernier frère, a été un projet plus long par rapport à mon précédent livre et qui a pour point de départ ma découverte des 126 tombes au cimetière juif à Maurice. Le fait de l’apprendre tardivement m’a beaucoup choqué parce qu’à l’école, on ne m’a jamais parlé des juifs à Maurice. C’est au moment de mes études en France que j’ai mesuré la place de l’Histoire de la seconde guerre mondiale. Du coup, je ne pouvais pas ne pas raconter cette histoire, et je l’ai écrite du point de vue de mon ignorance. Une histoire à la hauteur d’un enfant de 9 ans. Et l’une de mes grandes satisfaction c’est de me rendre compte que les gens peuvent aujourd’hui se rendre à Maurice pour rendre hommage à ces morts ».

Est-ce que la voix, c’est la chose la plus importante dans votre écriture ?

« Oui la question de la voix est très importante quand j’écris. Par exemple, la musique de Joséphin le fou m’est venue un jour où j’étais alitée à cause d’une grosse migraine et les phrases me sont venues comme ça après plusieurs versions de mon manuscrit. Et ça a donné ce livre agrammatical, et dans lequel j’ai beaucoup travaillé sur la forme. Oui la forme de mes livres m’importent beaucoup. Avec Eve de ses décombres, je pensais à l’origine écrire un poème, c’est pour cela que ce roman a cette forme là, poétique ».
La place de l’Histoire dans les œuvres de fiction
« Quand on prend nos trois romans respectifs, explique Ananda Devi, j’ai l’impression que les romanciers ont remplacés les historiens », tout simplement parce que « notre histoire n’est pas racontée. Ce sont les écrivains qui viennent combler ce vide, à raison parce qu’il y a un grand silence sur notre Histoire ».
Shénaz Patel tempère un peu cet enthousiasme de sa consœur : « je crois qu’il faut faire attention à ne pas confondre les rôles, pour moi les écrivains ne sont pas comptables de l’Histoire ». C’est vrai que Le silence des Chagos raconte une période pas très glorieuse de l’île Maurice, et ce que j’écris n’est pas toujours très bien perçu à Maurice, mais ce n’est pas mon souci, je pense que j’écris parce que je ne suis pas satisfaite de ce que je vis à Maurice, je ne cherche pas forcément à écrire des choses contre Maurice, mais je ne veux pas non plus faire la promotion de l’île comme le ferait un office de tourisme par exemple ».
La question du style
« Je crois qu’un livre, c’est d’abord une langue, au départ c’est une phrase qui passe dans ma tête. Ce sont ensuite des couches et des couches qui se forment, et à un moment donné, ça prend, ça s’organise. L’histoire que j’ai, fini par s’écrire, grâce à des voix, les histoires me viennent ainsi », explique Shénaz Patel.
Pourquoi cette omniprésence de la violence dans la littérature mauricienne ?
« Là-dessus, je crois qu’il y a un consensus sur le fait de dire que le non-dit est très présent à Maurice et c’est la raison pour laquelle il y a tant de violence chez les gens, et cela se retrouve dans nos productions littéraires, c’est comme ça », rapporte Ananda Devi.
« Cette violence », ajoute Shénaz Patel, « avait atteint un sommet en 1999, avec la mort de Kaya », elle poursuit à ce propos en faisant référence à Jean-Marie Le Clézio qui disait lors de la remise du Prix Fanchette en 1999, que « cette violence était déjà présente dans les textes parus en 1998 », comme si les écrivains avaient prédit ce qui allait se passer.
Sur l’usage du créole, de la nécessité de l’écriture dans cette langue ?
« D’abord on a la liberté d’écrire sur ce qu’on veut, dans la langue que l’on veut », rappelle Nathacha Appanah (qui publie En attendant demain chez Gallimard en 2015). Et puis il faut dire que « l’écriture en créole est un combat, car le créole est la langue de près de 80% des mauriciens et le paradoxe c’est de recevoir les cours à l’école en Anglais », précise Shénaz Patel. Il faut aussi dire que « le créole n’est pas une langue inférieure, et qu’il y a beaucoup de travail de fait sur le créole mauricien. Il faut citer Dev Virahsawmy qui a traduit tout Shakespeare en créole. Car toute la question est de savoir comment exprimer de l’émotion en créole. Un enfant valorisé dans sa langue maternelle est mieux épanouie. J’ai moi-même traduit En attendant Godot en créole mauricien. ça s’apprend le créole, il y a une graphie créole, il y a des manuels, un dictionnaire unilingue à Maurice, il y a des expériences intéressantes, mais il faut savoir aussi qu’il faut du temps », conclue l’auteure de Sensitive, Shénaz Patel.
Propos recueillis par Nassuf Djailani
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