Francophonies en Limousin : Soeuf Elbadawi ou un musulman de moins au programme de la 32ème édition

Le comédien et metteur en scène Soeuf Elbadawi s’illustre encore une fois cette année à l’occasion de la 32ème édition du festival des Francophonies en Limousin, du 23 au 3 octobre 2015. Au programme une petite forme intitulée Un musulman de moins est une farce qui nous parle de la peur. La pièce propose un jeu de rôle entre réel et fictions. Le nom complet de la pièce c’est Banalités d’usage ou encore Un musulman de moins.

D’abord en arrivant au théâtre John Lennon à Limoges, il faut se diriger vers la réception qui fait parti du spectacle. Les réceptionnistes, un homme et une femme vous proposent de prendre un ticket pour les chambres 1 à 12 au choix. Des numéros qui correspondent aux 12 spectacles proposés durant plus de 3 h. Des petites formes de 30 à 45 minutes que les concepteurs (Sarah Berthiaume, Armel Roussel et Gilles Poulin-Denis) ont baptisé road-trip théâtral (une première en France, réunissant des auteurs venus de la Belgique, du Canada – Québec, des Comores, du Congo ou encore de la Suisse).

On vous invite ensuite à rejoindre des tables numérotées de 1 à 12. Un animateur annonce ensuite au micro qu’il faut rejoindre les lieux des différents spectacles aux différents groupes. Et voilà que les uns et les autres se dirigent docilement vers les lieux de rendez-vous en suivant un guide. Le piège commence ainsi, les gens se laissent prendre, jouent le jeu sans le savoir, comme s’ils faisaient parti du spectacle. Nous nous dirigeons vers ce qui est annoncée comme la chambre 7.

Soeuf Elbadawi donne rendez-vous dans la cuisine du théâtre, la jauge est de 14 places. Quand on passe la porte, surprise, une grande table est dressée, des bougies sont allumées, nappée de blanc la table est mise, avec des toasts dans l’assiette, du vin est servi, tous les convives ont une assiette, plus une assiette vide avec une photo du comédien dans l’assiette vide. Au centre de la table un lecteur MP3 est posé, la guide nous invite à appuyer dessus pour la mettre en marche. Dans la plaquette fournie à la réception, Armel Roussel (metteur en scène) annonce que « l’artiste comorien Soeuf Elbadawi n’a pas été autorisé à entrer sur le territoire français et qu’il a été retenu au poste frontière par les services d’immigration »! On est pris par le récit qui s’enchaîne avec la voix du comédien qui nous explique qu’il veut nous parler de « la peur; tout en parlant du pays d’où il vient ». Il nous parle des tracasseries du voyage quand on est noir et de surcroît musulman et étranger en France. Il nous parle du « principe de la file de droite », celle où atterrissent toujours les gens que les systèmes de contrôle repèrent et retiennent à la frontière le temps de la « fouille au corps ». Des tracasseries qui sont devenues pour le comédien « des banalités » d’où le titre. On est pris d’empathie, on voudrait s’indigner qu’un artiste pourtant attendu, programmé dans ce festival prestigieux soit empêché de séjour faute de papier, ou pour délit de faciès. On est « pris à la gorge ! ». On voudrait crier au scandale.

Coup de théâtre à la fin du récit radiophonique, déboule un homme barbu, des dreadlocks pendouillant jusqu’à l’épaules enroulées d’écharpe jaune. L’homme a le sourire. On reconnait sa voix qui nous dit bonjour. La farce a bien marché. « La mauvaise farce, glissera quelqu’un ». L’histoire de la rétention est une mauvaise blague, et tout le monde est tombé dans le panneau, plusieurs convives se plaignent d’avoir été berné sur une question aussi grave. D’autres admettent ne pas avoir cru une seconde à la note sur le comédien retenu à la frontière », le débat s’engage. Et là à nouveau coup de théâtre, l’un des convives, un blanc, un européen devrait-on dire, tellement l’affaire est sensible à ce stade du spectacle, un homme barbu, se lève et se met derrière un pupitre qui était déjà là et se met à apostropher le comédien de manière très vive, très virulente.

« Qu’est-ce qu’un musulman ? » et le comédien de répondre : « quelqu’un qui cherche l’apaisement »

Une joute s’engage, que tout le monde croit sincère. Et les mots fusent comme ça 5 à 10 minutes et du tac au tac on parle laïcité, identité de La France, des musulmans, du droit des blancs français de se sentir agressés, choqués par l’étalage par exemple de magasins halal en France, avec ce « sentiment de ne plus être chez eux ». La joute semble tellement bien réelle, bien amenée qu’au bout d’un moment, on se surprend à penser que le convive est peut-être un peu complice, mais trop tard le tour est joué. Un très beau spectacle de 35 minutes qui passent trop vite. Mais, il faut déjà filer à la réception pour une autre destination à travers 3 autres spectacles sur les 12 au programme.

 

Nassuf Djailani

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