On a rit d’entrée de jeu. On est saisi par une voix qui porte, qui interpelle, celle d’un jeune, mais déjà grand comédien. Il s’appelle Soumette Ahmed. C’est vrai qu’il est grand, au sens propre, comme au sens figuré. La pièce s’appelle « Je n’ai pas de nom », un texte très puissant, très drôle, très poignant, construit d’après les textes de Christophe Tarkos, dont la parole est si bien porté par ce grand comédien comorien, jeune diplômé du Conservatoire du Grand Avignon. « Je n’ai pas de nom », c’est l’histoire d’un homme sans identité, qui tente de nous faire prendre conscience que l’on peut vivre sans l’obsession des noms, des origines, des qualifications, et qu’au fond c’est l’humain en face de soi qui est important, qu’il faut apprendre à regarder, à aimer.
« Cela fait 30 ans que je gonfle comme ça, nous dit le comédien, et je me demande quand même s’il n’y a pas de fuite », un clin d’œil peut-être au destin de son pays qui se débat dans un réel complexe pour devenir une nation à la hauteur de ces enfants. Quand on connait un peu intimement l’histoire de ce comédien, on est pris d’émotion vu la qualité et la justesse de son jeu. Car il est vrai qu’il est parti de loin. Il est venu apprendre et il nous transmet son plus grand capital, l’émotion, la générosité dans le jeu, la bonne humeur. Les histoires personnelles et artistiques se croisent et se répondent, car Soumette est un lutteur sans nom qui est en train de s’en donner un. On se souviendra de ce gaillard plein d’énergie, pleins de ressources. Son histoire c’est celle d’un jeune homme ambitieux mais sans le sous, qui part des Comores, pour débarquer à Avignon, avec la ferme intention « apprendre pour transmettre et puis améliorer mon travail de comédien, car avant le conservatoire, j’étais déjà comédien dans la compagnie que je dirige à Moroni ». Un combat qu’il mène au péril de sa vie. Il a faillit y laisser des plumes, mais ce sont les rencontres heureuses et malheureuses qui l’ont construit. C’est aussi sa force de caractère qui l’a maintenu debout, qui l’a mené à son objectif. Après avoir été diplômé du Conservatoire, il vient de recevoir le prix du meilleur comédien, du « Grand Prix Afrique théâtre francophone 2014 », du Prix Bernard Giraudeau 2015, ainsi que du Prix Passe-Portes 2015. Dans sa valise, Soumette est venu au festival d’Avignon en 2015 avec ses meilleurs soutiens, les artistes peintre Seda et Gamil qui exposent leurs toiles dans le hall du Conservatoire. Et pour couronner le tout, il a le soutien de l’un des musiciens le plus en vue dans l’archipel comorien, Maalesh qui joue prochainement au Conservatoire du Grand Avignon le 24 juillet après le spectacle « Je n’ai pas de nom ». 2015, est ainsi devenu synonyme de l’année des Comores en France. Les Comores redonnent ainsi un grand nom à l’un de ses plus grand fils, Soumette Ahmed. Un spectacle salué par toute la presse régionale comme Vaucluse Matin : « Ahmed Soumette maîtrise la poésie de Tarkos certes, mais propose surtout une surprenante «mise sur le plateau» du poète Marseillais, le tout délicatement enrobé d’un rire salvateur ». Un grand succès pour une première dans le OFF.
Extrait du spectacle :
« Je suis la vie, je suis la vitalité, la vie vivante, l’énergie nouvelle, la nouveauté, le sang frais, la jeunesse du pays, la force vitale, la jeunesse au travail, l’espoir au travail, le chantier ouvert, l’ouverture vers l’avenir, la force vive, l’énergie fraîche, le métal souple, l’animal vivant, le nouveau civilisé, le corps à l’œuvre, le nouveau départ, le travail de la naissance, la souplesse tendue, la force du travail, les rires, les rires des vies, la prouesse, la construction, l’élan vers l’avant, les combattants, le courage, les œuvres ouvertes, les nouveaux hommes à venir, la montée en vigueur, la poussée, la production, le germe du monde à venir ».
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Créé à Moroni (Grande Comore) en mars 2014 à l’occasion de la semaine de la Francophonie sous le titre «Tentation d’exister», le spectacle, conçu à partir de textes de Christophe Tarkos, a évo – lué à la suite d’une résidence au Théâtre des Halles à Avignon en novembre 2014 pour devenir «Je n’ai pas de nom»
Défenseur de la francophonie, le comédien et metteur en scène comorien Soumette Ahmed est accueilli par le Conservatoire (dont il a été l’élève) avec sa création, Je n’ai pas de nom, d’après les textes de Christophe Tarkos du 4 au 25 juillet (sauf les dimanches) à 18h.
Comédien et metteur en scène : Soumette Ahmed
Régie et direction d’acteur : Thomas Bréant

Nassuf DJAILANI